On pourrait dire pour résumer que, tout en cherchant à s'étendre vers le Sud, le Vietnam s'est toujours préoccupé de se défendre contre son puissant voisin du Nord : La Chine expansionniste. Le professeur Huu Ngoc, parfaitement francophone et francophile, a proposé la formule suivante pour soulager et résumer la mémoire de l'histoire du Vietnam : 1.000 ans + 1.000 ans + 900 ans + 80 ans + 30 ans ce qui signifie ce qui suit :
La colonisation française :
L'immixtion des amiraux français dans le domaine politique suivie d'interventions militaires à l'intérieur des frontières de la nation, allait aboutir à la signature des traités de 1862 et 1874, plaçant le Viêt-Nam sous le tutelle de la France. Le royaume de feu de l'empereur Gia-Long fut intégré dans une entité géographique appelée « Indochine Française » englobant deux autres pays : le Cambodge et le Laos.
Pour des raisons de commodité administrative, le Viêt-Nam fût aussitôt scindé en trois parties : le Tonkin au Nord, l'Annam au Centre et la Cochinchine au Sud. Tandis que la Cochinchine était directement gouvernée par les autorités françaises en tant que colonie, le Tonkin et l'Annam, devenus protectorats français, conservaient une certaine autonomie incarnée par un empereur, descendant des Nguyên, qui détenait un pouvoir plutôt symbolique. Cette abdication de la souveraineté devait entraîner les patriotes vietnamiens dans une lutte sans répit contre la France, lutte concrétisée par de nombreux et fréquents soulèvements armés à travers tout le royaume. Il fallut cependant attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour voir le Viêt-Nam accéder à l'indépendance à la faveur de la conjoncture internationale.
L’indépendance :
A la suite de la neutralisation de l'autorité française, le 9 mars 1945, par les forces japonaises stationnées au Viêt-Nam, un premier gouvernement national présidé par le professeur Trân-Trong-Kim s'installait à Hué, en avril de la même année. Par la suite, plusieurs gouvemements se succédèrent à une cadence assez rapide, chacun d'eux ayant dû faire face à de nombreuses difficultés sur le plan interne aussi bien que sur le plan extérieur.
Cette accession de fait à l’indépendance n'en restait pas moins sans valeur sur le plan international. Ce n’est que dix ans plus tard, c'est-à-dire le 4 Juin 1954, que le Gouvernement de la République Française avalisait juridiquement l’indépendance du Viêt-Nam, lequel, par voie de conséquence, recouvrait légalement à cette date ses frontières historiques, telles qu'elles figuraient dans les relevés topographiques officiels de 1862.
La grande joie du peuple vietnamien fut de courte durée. En effet, le destin du pays n'en était pas pour autant scellé : un mois plus tard, le 21 Juillet 1954, la Conférence de Genève, entérinant les accords de cessez-le-feu intervenus entre la France et le Viêt-minh, décréta la scission du territoire national en deux portions à peu près égales, selon une ligne de démarcation constituée par le 17e parallèle, approximativement à la hauteur de la Rivière Bên-Hai, dans la province de Quang-Tri (Centre Viêt-Nam).
Les provinces se trouvant au Nord de cette rivière relèveraient désormais de la «République Démocratique du Viêt-Nam», tandis que les territoires situés au Sud allaient passer d'abord sous la juridiction de l'Etat du Viêt-Nam, ensuite sous celle de la République du Viêt-Nam fondée le 26 Octobre 1955, après un référendum populaire. Enfin, le 1er Novembre 1963 une grande révolution menée conjointement par l’armée et le Peuple, réussit à renverser le régime dictatorial de Ngô-Dinh-Diêm et à instaurer la Seconde République. Depuis lors, plusieurs gouvernements civils et militaires se sont succédés à Saigon avec des fortunes diverses.
- 1963 : Intervention militaire des Etats Unis.
- 1973 : Fin des bombardements aériens américains sur le Nord du Vietnam.
- 1975 : Fin de la guerre civile. Retraits des troupes américaines.
- 1976 : Proclamation de la « République Socialiste du Vietnam.
Population :
Le Vietnam compte, en 2011, 85 millions d’habitants dont le tiers a moins de 20 ans. Cette jeune population se compose de 54 groupes ethniques. A part l’ethnie majoritaire Viet ou Khin près de 90% de la population, les principaux groupes ethniques peuplant les montagnes du Nord Ouest et du Nord Est à la frontière chinoise : Hmong, Nung, Dao, Tay ceux des Hauts Plateaux du centre du pays : Bahnar, Sedang et Mnong et enfin au Sud avec les Khmers habitant le delta du Mékong et les Chams descendant de l’ancien Champa.
Les Viets habitent essentiellement dans les deux régions les plus fertiles : les deltas du Fleuve Rouge et du Mékong, ainsi que les plaines côtières. Ces Viets des régions basses jouent un rôle beaucoup plus important que les autres groupes ethniques habitant les hautes régions, et cela grâce non seulement à leur nombre mais également au développement de leur économie agricole et aux contacts qu’ils entretiennent avec les cultures étrangères en raison du voisinage de la mer.
Plusieurs groupes ethniques, en majorité Thai, se sont fixés dans les petites vallées au pied des montagnes. Ils pratiquent la riziculture en terrain inondé et aussi sous forme de culture sur brûlis.
Les régions de hautes et moyennes montagnes constituent l’habitat des groupuscules ethniques très dispersés, appartenant à des familles linguistiques différentes : austro-asiatiques, tibéto-birmanes ou entre les deux. Ils pratiquent la culture sur brûlis et en terrain sec.
Chaque ethnie minoritaire parle sa langue et se distingue des autres par ses coutumes, son mode d’habitation, sa manière de s’habiller. On assite au Vietnam à une véritable cohabitation dans la diversité. Plusieurs ethnies ont leur propre écriture, mais l’écriture officielle du Vietnam est l’écriture romanisée des Viets.
Religion et Croyance :
La vie spirituelle des vietnamiens, hier comme aujourd’hui, est façonnée par l’influence croisée de plusieurs croyances et religions : culte des ancêtres, bouddhisme, confucianisme, taoïste, christianisme, islam.
Au lendemain d’une domination chinoise de plus de mille ans (179 AC - 938 AD), les premières dynasties nationales (10ème/14ème siècle) ont favorisé l’épanouissement du bouddhisme, tout en jetant les bases d’une éducation nationale axée sur le confucianisme. C’est à partir du 15ème siècle que ce dernier a pu, grâce aux profonds bouleversements agraires et sociaux, l’emporter sur le bouddhisme jusqu’alors considéré comme religion nationale et marquer de son empreinte la société médiévale. Les rivalités interreligieuses étaient plutôt provisoires; le lettré confucéen, qui pratiquait bien évidemment le culte des ancêtres, était plus ou moins taoïste et bouddhiste ; le peuple mélangeait ces différents cultes. La Cour, elle, n’hésitait pas à organiser des examens spéciaux traitant des trois religions fondamentales.
Si le christianisme, importé de l’Occident à partir du 18ème siècle, n’a pas réussi à s’implanter au Vietnam comme religion nationale, c’est parce qu’il lui manque la tolérance des trois religions fondamentales. Elle supprimait toutes les divinités païennes, et interdisait le culte des ancêtres si cher au coeur de la population.
Mais le christianisme n’est pas pour autant refusé, bien au contraire. Dans ce pays ravagé pendant des siècles par les guerres, on assiste à une véritable coexistence pacifique des religions qui ne se nient pas mais qui se complètent.
Le Culte des ancêtres :
Il est le trait le plus saillant de la vie spirituelle vietnamienne. Il est pratiqué dans tout le pays et par tous les Vietnamiens, quelle que soit leur appartenance sociale ou leur idéologie politique. Le but du culte des ancêtres est de perpétuer un complexe émotionnel aussi intense que possible, liant d’une façon indissoluble les vivants et les morts d’un même clan. Il a pour objet l’entretien des tombes, mais surtout le culte qui doit être rendu dans le temple familial aux tablettes des quatre générations ascendantes : trisaïeul et sa femme, bisaïeul et sa femme, aïeul et aïeule, père et mère. Au fur et à mesure, on enterre les tablettes des générations les plus vieilles sous le sol du temple.
L’autel des ancêtres peut occuper toute une pièce dans les grandes maisons, ou la travée principale dans les maisons de campagne, mais c'est en tout cas le cœur du foyer. Il est généralement matérialisé par une planche fixée au mur ou une table assez haute où sont déposées les photos de morts, un ou plusieurs bols pour baguettes d’encens, deux chandeliers, parfois un petit brûle-parfums.
Dans l’esprit des vietnamiens, il n’y a pas de séparation entre le monde des vivants et celui des morts. Ainsi, même un ascendant décédé il y a des siècles hante toujours l’autel des ancêtres, revient parmi les vivants aux jours de fêtes et aux anniversaires de sa mort. Il suit ses descendants dans leur vie quotidienne et est capable d’être au courant de ce que font ces derniers. Il partage ainsi leurs peines et leurs joies, il est malheureux quand leurs descendants font du mal, il est fier quand ceux-ci font du bien. C’est ainsi que les Vietnamiens sacrifient à leurs feux ascendants à l’occasion de tous les grands événements de la famille : naissance d’un enfant, début des études d’un garçon, réussite à l’examen, fiançailles, mariage, deuil, grand voyage... On leur envoie tous les conforts de la vie terrestre, en brûlant à leur intention des objets votifs en papier : vêtements, chapeau, armoire, lit, voiture, moto et même des dollars américains, en faux bien entendu...Pour que le culte des ancêtres puisse être dignement célébré, on réserve dans le patrimoine du clan une part dite de l’encens et du feu dont l’héritier a l’usufruit.
Dans la famille, le culte des parents décédés est généralement assumé par les fils, et notamment le fils aîné. Les filles ne sont autorisées à s’occuper de l’autel des ancêtres que si elles n’ont pas de frères. C’est ainsi que les vietnamiens, encouragés par la loi à faire deux enfants au maximum, préfèrent avoir deux fils que deux filles, deux enfants de sexe opposé étant idéal. C’est ainsi aussi que beaucoup de vietnamiens divorcent, ou se laissent tentés par l’adultère, dans l'effort de laisser après leur mort, un homme pour s’occuper de leur âme et perpétuer leur souvenir.
Si quelqu’un meurt sans laisser de descendants, il n’aura pas d’autel pour revenir parmi les vivants et son âme sera condamnée à une errance éternelle. La plus grande malédiction pour un vietnamien est donc de mourir sans laisser d’enfants. La solution dans ce cas est d’adopter un enfant ou bien faire don de son patrimoine à des pagodes bouddhiques, à des temples communaux qui assureront en contrepartie son culte posthume.
Car ce n’est pas seulement la mort mais également le rituel qui ouvre le chemin à la vie future. Le rituel seul et non la mort peut constituer le transfert de vie ou de puissance dont le mort a besoin. Grâce au rituel, le Vietnam croit aux morts, tandis que l’Occident ne croit qu’à la Mort.